D’abord, il y a eu notre 16e de coupe. Joué quatre jours plus tard que prévu pour permettre au coach d’Eupen, également soigneur des Red Wolves, d’accompagner nos loups en Norvège et de mener ses joueurs chez nous. Je vois tout de suite que les Bleus sont bien dans leur match. Concentrés mais détendus, ils jouent sans pression et vachement bien, imperturbables malgré le tambour eupenois qui claque comme un coup de feu à chacune de leurs attaques, histoire de les effrayer. A 7-2, je me dis qu’on résiste mieux que prévu. A 7-7, qu’Eupen va nous massacrer. A 11-8, que le massacre ne va pas être aussi évident. A 21-17, qu’il y a parfois des surprises en Coupe. A 21-19, qu’en fait non, il n’y en aura pas. Les dix dernières minutes sont palpitantes. On ne sait pas s’il faut y croire ou pas, si nos Bleus vont réaliser l’exploit du jour ou non. Je tremble au moins autant qu’à Beyne et quand ils nous enfilent quatre buts consécutifs pour mener 28-22 à cinq minutes de la fin, je ne sais plus du tout quoi penser. Les visiteurs peuvent-ils nous marquer sept buts sans qu’on n’en inscrive plus aucun ? Tout est toujours possible en hand, cinq minutes, c’est une éternité. Le public hurle, tape du pied, n’ose pas regarder mais regarde quand même, arrête de respirer à chaque attaque des Rouges, respire à nouveau quand le ballon est dévié. On ne marque plus, c’est vrai, mais on n’encaisse que deux buts et oui, il y a des surprises en coupe, on gagne. Tout le public est debout, saute de joie, applaudit et remercie les Bleus pour le spectacle magnifique qu’ils viennent de lui offrir.
Le lendemain, à peine remis de nos émotions, nous voilà tous dans notre bus, direction Liège pour le match des Red Wolves contre les Experts. On a plusieurs Français dans notre équipe, mais ils sont tous habillés en bleu Kraainem ou en rouge Belgique. Dans le bus, on est déjà surexcités à l’idée d’avoir les meilleurs joueurs du monde sous nos yeux. On se dit que les Wolves vont se prendre dix ou vingt buts dans les gencives, après tout, il y a peu de professionnels parmi eux et, soyons réalistes, nous sommes un tout petit pays au niveau du hand. Mais que nenni. Non seulement les Wolves ouvrent la marque, mais en plus, ils mènent tout le temps face à une équipe de France complètement désarçonnée par « les petits Belges » qui lui donnent bien plus de fil à retordre que prévu. D’accord, ce n’est pas Omeyer devant les filets, mais quand même, les gardiens français, ils ne sont pas manchots. Finalement, ça se joue à rien du tout. Les Wolves perdent sur le fil, et au coup de sifflet, je ne sais pas si je dois être déçu de la défaite ou content de la performance des Wolves. C’est dur de perdre quand tu as mené tout le temps parce qu’on se met à y croire, à la victoire. Mais mettre 37 buts aux meilleurs joueurs du monde, il y a de quoi être fier. Il paraît qu’on nous a vus à la télé. Faut dire qu’on était cinquante, tous groupés, et qu’on a fait un boucan d’enfer pendant toute la rencontre. Dans le bus aussi, d’ailleurs.
Le week-end suivant, on a notre 8e de coupe, contre Eynatten. Un gros morceau, une équipe de première division. Et malgré les deux divisions de différence qui auraient pu nous valoir cinq buts d’avance, pas de handicap en début de partie dès qu’on atteint les 8e. Dommage. Les gradins sont à nouveau bien garnis de Bruxellois et je repense à ce qu’un joueur m’a dit l’année dernière lors du match contre NeLo : « jouer contre beaucoup plus fort, c’est génial, tu vois et tu apprends plein de trucs, c’est une chouette expérience ». Mais tout comme la semaine précédente, les Bleus, montés sur le terrain sans pression, font le match de leur vie. Tout fonctionne parfaitement bien. Les attaquants nous marquent des buts venus de nulle part, notre gardien arrête tout et à la pause, c’est égalité. Dans le public, on se pince pour être sûrs d’être éveillés, on se demande ce que les Bleus ont mangé pour être dans une telle forme, tout en sachant qu’une troisième surprise consécutive en coupe, ce n’est pas possible. Il n’y a pas eu de troisième surprise, Eynatten a fini par se réveiller tout à la fin et quand une première division accélère, ça fait mal. Mais là aussi, ça s’est joué à presque rien, une passe qui n’arrive pas, un mouvement mal anticipé, un tir arrêté. « Il y avait la place pour passer », disait l’un à la fin du match, « ils ont joué comme des dieux » disait un autre. On a marqué les trois derniers buts de la partie, sous les applaudissements du public debout. Les Bleus ont perdu, mais bon sang qu’est-ce qu’ils ont bien joué !
Et dès le surlendemain, reprise du championnat. La date a changé deux fois et on joue finalement quand même le dimanche et c’est pas plus mal, même s’il fait noir, même s’il fait une température polaire dans la salle et qu’on serait bien restés tranquilou devant le match des Diables rouges. On retrouve deux de nos anciens joueurs, on aligne dans nos rangs deux des leurs. Le début de la partie est plutôt bon de notre côté, Max fait un vol plané, Arnaud arrête des ballons de la poitrine et Cédric canonne le gardien local. Après, ça patauge un peu, des passes n’arrivent pas, on fait des fautes techniques et on les laisse un peu revenir. Heureusement, il y a Guillaume qui encourage depuis le banc et nos gardiens qui font des miracles, dont un arrêt de la tête qui vaudra à Simon un bel œil au beurre noir jusqu’à samedi prochain. Le public local y croit, mais moi je sais qu’on va gagner à la fin. Derrière moi, j’entends « tu vas voir, Kraainem va mettre le turbo à la 27e ». Et c’est ce qui se passe, de 23-23 à la 26e, on passe à 23-26 au coup de sifflet final. Le public local est déçu, eux aussi, ils ont cru à l’exploit.
On est toujours deuxième au classement. Et quand je vois le niveau qu’on a affiché en jouant sans pression nos deux matches de coupe, je me dis qu’on doit être champions cette année. Mais comment faire pour jouer sans pression ? Quelqu’un sait comment déconnecter ces cerveaux trop bouillonnants ?
Bill