Ca y est, l’effectif est au complet, ils sont tous sur mon dos mais ça ne va pas durer, vu qu’il y en a déjà sept qui seront sur le terrain et que le coach ne reste jamais assis bien longtemps. Et puis il y aura toujours l’un ou l’autre qui ne tiendra pas en place et s’échauffera pendant toute la partie juste au cas où.
En face de moi, les trois gradins sont archipleins, c’est sûrement parce qu’il y a la télévision. Les enfants sont de retour, je vois quelques « retraités », un revenant de l’année dernière et les joueurs de l’équipe 2 tous contents parce qu’ils ont gagné. Et aussi quelques jolies filles, et c’est d’autant plus agréable à regarder que c’est rare de les voir si nombreuses et tant pis si elles viennent pour nos adversaires du jour.
Le match commence et je comprends tout de suite que quelque chose ne tourne pas rond dans notre équipe. Sont-ils paralysés par la caméra ? Entre les mauvaises passes, les interceptions ratées, les tirs non cadrés et le gardien en déveine, on se prend un 0-7 vite fait. A croire que c’est de l’huile qu’il y a dans le pot censé contenir de la colle. Dans le public, on doit se demander si les nôtres finiront par marquer. Même le meilleur buteur de l’équipe loupe ses tentatives. De mon côté, les joueurs se succèdent, l’un se lève, l’autre s’assoit, le coach fait mille changements, sans résultat. Le gardien a beau réaliser des exploits au milieu du terrain, on continue à perdre les ballons et à laisser filer les buts.
L’arbitre siffle la mi-temps sur un 13-18 qui reflète bien le désarroi de l’équipe. Reste à espérer que le coach trouvera une baguette magique à agiter pendant la pause.
A la reprise, je comprends vite que Merlin n’était pas dans les vestiaires. Jeunes ou vieux sur le parquet, c’est pareil, même si aucun joueur ne renonce à se battre. Ils sont de plus en plus nerveux, ils crient, s’engueulent, mais restent impuissants. Dans mes rangs, ils trépignent, protestent, lèvent les bras et les yeux au ciel, me filent des coups de pied, mais ça ne change rien. Et en face, c’est vraiment bizarre car les supporters des deux camps sont mélangés et au lieu d’avoir les cris de joie et ceux de désespoir en stéréo, il me vient des gradins un brouhaha permanent, un cocktail de huées et de bravos, de sifflets de rage et de hourras enthousiastes. Etrange ambiance. Quant au panneau au-dessus de ma tête, il indique toujours au moins 6 buts d’écart contre nous.
Et puis brusquement, le déclic. Est-ce le blessé qui reste allongé sur le parquet pendant de longues secondes ? Est-ce le délégué au terrain qu’on réclame et qui n’arrive pas ? Ou alors les encouragements hystériques de notre gardien ? En tout cas, on dirait que nos joueurs ont compris le truc pour enfin arrêter leurs opposants. Les contacts sont rudes, il y a des coups qui se perdent, il y aura des bleus et des courbatures demain, mais ça marche. Ils contrent les attaques adverses, concrétisent les leurs et reviennent peu à peu au score. Nos supporters recommencent à y croire et hurlent des « Allez Kraainem ! » plus fort que leurs voisins. Et chez moi, le coach choisit le sang neuf car même si les jeunes n’ont ni la puissance ni l’expérience de nos vieux briscards et qu’ils ratent parfois des occasions en or, leur vivacité et leur souffle peuvent faire la différence en fin de partie.
Le match se termine cependant sur un triste 31-33. Avec cinq minutes de plus, je suis sûr qu’on pouvait les avoir. Dommage.
Bill le banc.